Tout d’abord, précisons un domaine de définition : celui de la compétence. Tout le monde en parle, mais peu savent la définir. Accordons-nous pour dire que la compétence est la « mise en œuvre d’un savoir-agir » en situation de travail ». Un savoir-agir qui englobe des connaissances, des pratiques, des gestes, mais aussi un savoir-réfléchir et anticiper, des comportements adaptés (aux résultats attendus, à la sécurité, à la qualité de vie, à la bienveillance, etc.). Il existe également ce que l’on appelle les compétences transversales, celles qui ne sont pas dans le cœur de métier mais pourtant indispensables (savoir communi- quer, savoir s’autocontrôler, savoir se remettre en question, être dans la bienveillance…). LE TOUT EN SITUATION PROFESSIONNELLE. POURQUOI ? Parce qu’en situation de travail, le salarié est soumis à des contraintes, des règles, des ambiances, venant des procédures, des injonctions managériales, des obligations de rendement et de qualité / sécurité, des moyens mis à disposition. S’il m’arrive de réaliser quelques soudures chez moi, saurais-je être compétent comme soudeur ? Ai-je toutes les compétences, les gestes, les connaissances, les « trucs » de métier, le rythme, l’esthétique du résultat ? Le juste recueil des compétences : les compétences font la valeur de l’entreprise. La machine, l’électronique, la robotique, l’outil, n’ont aucun intérêt sans les compétences qui les servent. Il s’agit donc d’identifier dans un premier temps les compétences indispensables, nécessaires et suffisantes pour l’activité de l’entreprise. Ce qui est techniquement et psychologiquement complexe. RÉALISER UN INVENTAIRE DE COMPÉTENCES Prenons l’exemple d’une entreprise de biscuiterie, où j’ai réalisé ce travail. Certes, en interrogeant les équipes et les salariés, chacun s’accorde à dire que son travail est essentiel à la performance de l’entreprise. Par exemple, le service comptable. Oui, non. Oui, la comptabilité est incontournable. Mais elle peut s’externaliser aussi. Ce n’est pas une compétence indispensable en interne. Par contre, la compétence du pétrisseur, qui mélange les ingrédients pour fabriquer des pâtes de biscuits, en connaissant les ingrédients, en suivant des recettes, en mesurant l’hygrométrie et les températures, c’est une compétence indispensable en interne, autant que le conducteur de four. L’idée est donc de réaliser un inventaire des compétences clefs, puis des compétences importantes, puis des compétences sensibles (appelées à subir à moyen terme des modifications remarquables), puis les compétences à risque (appelées à être rapidement obsolètes). LA GESTION ET L’ANTICIPATION Une fois que l’on a fait le tri entre les différentes compétences, il faut les suivre et les affecter. Il existe des logiciels spécialisés pour ce faire. Mais un tableau Excel peut suffire. Quelle compétence (clef, importante, sen- sible…) existe chez quel salarié ? Et l’on va voir apparaître les salariés qui ont des mono-compétences ou mono-expertises. Soit. Faut-il, en terme de stratégie, maintenir ou renforcer ces expertises, ou faut-il ouvrir l’éventail des poly compétences ? Certaines compétences nécessaires à terme sont inexistantes aujourd’hui. À qui les confier ? Faut-il construire de nouvelles compétences pour tel ou tel salarié ? D’autres compétences vont devenir obsolètes à terme, compte tenu de l’évolution technologique, du métier, du marché, de la concurrence. Comment recombiner et construire de nouvelles compétences et chez qui? Certaines compétences sont limitées dans le temps. C’est le cas de certaines expertises ou habilitations. Il faut donc les suivre de près pour les réactualiser à temps. On peut également remarquer que telle compétence n’existe que chez un seul salarié ! Danger ! S’il quitte l’entreprise ? S’il est en congés ou en arrêt maladie, comment faire ? Ne faut-il pas envisager un minimum de binômes sur certaines compétences clef ? En analysant la cartographie des compétences, on remarque clairement les personnes qui sont surnourries et celles qui sont en fragilité. Faut-il rééquilibrer les compétences ? Identifier finement les salariés que l’on souhaite conserver et pourquoi ? N’est-ce pas également une démarche permettant de développer le plan de développement des compétences (l’ancien plan de formation) ? Cette gestion anticipative peut alimenter la stratégie de formation (qu’inclure dans le CPF, les bilans de compétences, le CEP, etc. ?). Elle peut aussi enrichir les entretiens professionnels. La cartographie des compétences n’est pas seulement un outil. C’est une démarche de Ressources Humaines au service des salariés, de leur professionnalisation, pour soutenir la stratégie globale de l’entreprise. |